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Réfugié : principe de non-refoulement écarté en cas de danger pour la sécurité de l'État

Public - Droit public général
31/03/2021
La qualité de réfugié ne fait pas obstacle à une mesure d’éloignement dans le pays d’origine si le réfugié représente un danger pour la sécurité d’un État membre et à condition qu’il n’encoure pas un risque réel et sérieux d’être soumis à des traitements inhumains et dégradants.
 
Deux ressortissant russes ayant obtenu le statut de réfugié en France, font l’objet de mesures d’éloignement avec fixation de la Russie comme pays de renvoi. Les requérants contestent ces mesures et font valoir qu’en raison de leur qualité de réfugié, elles sont contraires au principe de non refoulement vers un pays dont ils ont la nationalité.
 
Dans la première affaire (n° 450395), la décision de révocation de l’OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides) intervenue en 2018, en application de l’article L. 711-6 2° du CESEDA, était fondée sur les condamnations pénales du requérant pour des faits de violence avec usage d’une arme, commis entre 2002 et 2017. Lorsque le requérant a sollicité un titre de séjour, en sa qualité de réfugié, le préfet a refusé et lui a notifié une obligation de quitter le territoire, sans délai avec interdiction de retour pour une durée de trois ans. Il a fixé la Russie comme pays de destination. Le requérant a été placé en rétention administrative afin que la mesure d’éloignement puisse être mise en œuvre. Il a relevé appel de l’ordonnance de référé rejetant sa demande de suspension de la mesure d’éloignement.
 
Dans la seconde affaire (n°450402), l’OFPRA a retiré le statut de réfugié au requérant en 2016 et le ministre de l’intérieur a pris un arrêté d’expulsion à son encontre, le 21 octobre 2020 pour nécessité impérieuse pour la sûreté de l’État ou la sécurité publique, en urgence absolue. La Russie a été fixée comme pays de renvoi, selon un arrêté du 4 février 2021. Le Tribunal administratif de Paris a suspendu, par ordonnance de référé ces décisions et le ministre de l’intérieur en a relevé appel.
 
Le ministre de l’Intérieur justifie sa décision par un faisceau d’éléments particulièrement graves se rapportant directement au requérant : ses liens avec divers individus appartenant à la mouvance pro-jihadiste, des séjours de longue durée en Turquie entre 2012 et 2015 pour rejoindre la zone de conflit syro-irakienne, un contrôle de voiture lors d’un retour de Turquie qui a révélé la présence de deux personnes appartenant à la mouvance pro-jihadiste et le véhicule contenait des plans du métro de Bruxelles et des vidéos de plusieurs gares européennes. Le retrait de l’OFPRA a été motivé par un lien entre le requérant et une ressortissante russe impliquée dans le financement de l’émirat islamique du Caucase qu’il avait accueilli en 2013, à l’aéroport de Roissy Charles de Gaulle. En outre, entre 2017 et 2018, le requérant était régulièrement en contact avec un individu condamné pour association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un acte terroriste. Enfin, le ministre fait valoir que l’influence importante du requérant dans la communauté tchétchène, « dans un contexte de menace élevée d’attentats terroristes », laisse penser qu’il peut « inciter des jeunes d’origine tchétchène à se radicaliser et à commettre des actes terroristes sur le sol français ».
 
Les éléments de réponse fournis par le requérant n’ont pas permis, selon le Conseil d’État d’établir qu’il existe des doutes sérieux pour suspendre la mesure d’éloignement prise à son encontre. Il n’a fourni qu’une seule facture à son nom émanant d’une entreprise turque ainsi qu’un bordereau colissimo d’expédition de vêtements en Tchétchénie et un catalogue de vêtements pour justifier que ses voyages en Turquie étaient motivés par des raisons commerciales. En outre, il ne conteste pas « sérieusement » ses liens avec les milieux tchétchènes pro-jihad même s’il souligne qu’il n’a pas été prouvé qu’il était propriétaire de l’ordinateur contenant les plans du métro de Bruxelles, relève la Haute juridiction administrative.
 
Dans ces deux contentieux, le Conseil d’État refuse de suspendre les mesures d’éloignement et précise que la qualité de réfugié ne fait pas obstacle à un éloignement vers le pays d’origine, dans les conditions de l’article L. 711-6 du CESEDA. En effet, la perte de ce statut, n’a pas d’incidence sur la qualité de réfugié et l’article 33 de la Convention de Genève prévoit toutefois qu’un État membre puisse déroger au principe de non-refoulement, si un réfugié représente un danger, une menace, pour la sécurité ou la société de cet État membre.
 
Le Conseil d’État rappelle qu’il existe une condition pouvant faire obstacle à une telle mesure : que l’intéressé n’encoure pas dans son pays d’origine, un risque réel et sérieux d’être soumis à des traitements inhumains et dégradants. Ce que la Cour de justice de l’Union européenne a elle-même érigé en principe dans un arrêt du 14 mai 2019.
 
Dans ces deux contentieux, les requérants n’ayant pu établir qu’ils seraient personnellement et actuellement exposés à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en Russie, leur requête en référé est rejetée.
 
 
Source : Actualités du droit