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Asile : des circonstances postérieures à la décision de transfert justifient un réexamen de la demande de protection internationale

Public - Droit public général
20/04/2021
Le demandeur d’asile qui exerce un recours contre une décision de transfert doit être placé en mesure de pouvoir exercer un recours effectif lui permettant d’invoquer de nouveaux éléments postérieurs à la décision de transfert.
Les faits
Un étranger a introduit une demande d’asile en Belgique mais elle a été rejetée au motif que les autorités espagnoles ont accepté, à la demande de l’Office belge des étrangers, son transfert sur leur territoire. Une obligation de quitter le territoire belge a donc été notifiée au demandeur d’asile qui a contesté cette décision devant le Conseil du contentieux des étrangers. Le requérant faisait valoir que son frère avait également introduit une demande d’asile sur le territoire belge et que leurs demandes devaient être examinées conjointement, par souci d’équité. Mais ce recours a également été rejeté car le Conseil du contentieux des étrangers a considéré que les éléments relatifs à l’arrivée du frère du requérant étaient postérieurs à la décision de l’Office des étrangers et ne pouvaient donc être examinés dans le cadre du contentieux sur le rejet de sa demande d’asile.
 
Le requérant a poursuivi sa démarche avec un pourvoi en cassation dans lequel il fait grief au Conseil du contentieux des étrangers de violer son droit à un recours effectif résultant de l’article 27 du Règlement Dublin III et de l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’UE.

Le Conseil d’État belge décide de surseoir à statuer et de poser à la CJUE une question préjudicielle : Un juge national est-il tenu, pour garantir un droit de recours effectif prévu par l’article 27 du Règlement Dublin III, de prendre en compte des éléments postérieurs à une décision de transfert d’un demandeur d’asile ?

Réponse de la CJUE
La CJUE précise la portée de l’article 27 du Règlement Dublin III : un droit de recours effectif implique la possibilité d’un recours ou d’une révision contre la décision de transfert prise à l’encontre du demandeur d’asile. Ce recours doit porter tant sur l’examen de l’application du Règlement que sur la situation « en fait et en droit dans l’Etat membre vers lequel le demandeur est transféré ». Ce recours implique également le respect des règles d’examen des demandes de protection internationale mais aussi des garanties procédurales prévues par le Règlement Dublin III, précise la CJUE.
 
Un point fondamental est relevé par la Haute juridiction européenne : le considérant 19 du Règlement Dublin III prévoit lui-même que dans le cadre du droit de recours effectif, le demandeur d’asile peut se prévaloir d’éléments postérieurs à la décision de transfert « lorsque [leur] prise en compte est déterminante pour la correcte application dudit Règlement » (CJUE, 25 janv. 2018, aff. C‑360/16, Hasan).
 
Dans la mesure où l’article 27 du Règlement Dublin III ne prévoit pas à quel moment le juge saisi doit procéder à l’examen de la décision de transfert, la CJUE rappelle que selon sa jurisprudence constante, c’est à la juridiction nationale de déterminer les règles procédurales qui vont permettre d’assurer que les droits des justiciables soient respectés, « en vertu du principe de l’autonomie procédurale ».
 
Il résulte de ces considérations que pour assurer une protection juridictionnelle suffisante « à la personne concernée, une voie de recours spécifique, doit garantir, en pratique, à cette personne la possibilité d’obtenir que les autorités compétentes de l’État membre requérant ne puissent pas, lorsqu’une circonstance postérieure à la décision de transfert fait obstacle à l’exécution de celle-ci, procéder au transfert de ladite personne vers un autre État membre », selon la Cour de justice. Et cette voie de recours doit permettre d’examiner sans délai les éléments postérieurs à la décision de transfert afin que l’État membre requérant responsable soit impliqué dans le processus d’examen de la demande de protection internationale.
 
La Cour répond donc par l’affirmative à la question préjudicielle : dans le cadre d’un recours en annulation contre une décision de transfert, un recours spécifique doit être envisagé après la survenance de nouvelles circonstances et la Haute juridiction européenne précise que ce recours ne doit pas être « subordonné au fait que la personne concernée soit privée de liberté ou que l’exécution de la décision de transfert concernée soit imminente ».
 
Source : Actualités du droit