<< Retour aux articles
Image

La surveillance par drones de Paris est illégale

Public - Droit public général
Tech&droit - Objets connectés
19/05/2020
Quinze drones à Paris pour surveiller le respect des mesures de confinement et de déconfinement. Légal ou non ? Le Conseil d’État vient de trancher le 18 mai 2020 : la Préfecture de police doit cesser, sans délai, de procéder aux mesures de surveillance par drones à Paris.
L’association « La Quadrature du Net » et la Ligue des droits de l’homme ont saisi le juge des référés le 2 mai 2020 pour demander d’enjoindre au préfet de police de cesser de capter des images par drones et de mettre un terme à leur enregistrement, transmission et exploitation, aux fins de faire respecter les mesures de confinement pendant la période d’état d’urgence sanitaire.
 
Après un rejet du juge des référés du tribunal administratif au motif « qu’aucune atteinte grave et manifestement illégale n’était portée aux libertés fondamentales invoquées », la Quadrature du Net et la Ligue des droits de l’homme ont relevé appel de cette ordonnance rendue le 5 mai 2020, demandant au Conseil d’État d’annuler l’ordonnance et de faire droit à leurs demandes de première instance.
 
Le juge des référés du Conseil d’État, dans une ordonnance du 18 mai 2020, a annulé l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif et ordonné la cessation des mesures de surveillance par drone. 
 

L’application du triple contrôle de proportionnalité
Le Conseil d’État rappelle que « dans l’actuelle période d’état d’urgence sanitaire, il appartient aux différentes autorités compétentes de prendre, en vue de sauvegarder la santé de la population, toutes dispositions de nature à prévenir ou à limiter les effets de l’épidémie ». Et ce tant que ces mesures, qui peuvent limiter l’exercice des droits et libertés fondamentaux, sont nécessaires, adaptées et proportionnées à l’objectif de sauvegarde de la santé publique qu’elles poursuivent.
 
Alors, quid des mesures de surveillance par drone ?
 
Il résulte de l’instruction que l’unité des moyens aériens de la préfecture de police a été engagée pour procéder à une surveillance du respect des mesures de confinement. Ainsi, depuis le 18 mars 2020, « un drone de la flotte de quinze appareils que compte la préfecture de police a ainsi été utilisé quotidiennement pour effectuer cette mission de police administrative ». Une surveillance maintenue pendant le déconfinement.
 
Un déploiement organisé via une fiche technique de la direction de l’ordre public et de la circulation de la préfecture de police partagée le 14 mai 2020, qui a fixé la doctrine d’emploi (transmise presque un mois après les premiers survols).
 
La préfecture de police y indique que l’objectif de ces mesures de surveillance est de « donner aux forces de l’ordre chargées de faire respecter effectivement les règles de sécurité sanitaire une physionomie générale de l'affluence sur le territoire parisien en contribuant à détecter, sur des secteurs déterminés exclusivement situés sur la voie ou dans des espaces publics, les rassemblements de public contraires aux mesures de restriction en vigueur pendant la période de déconfinement ». Précisant que les drones survolent la ville à une hauteur de 80 à 100 mètres, ne capturent pas d’image et ne disposent pas de carte mémoire.
 
Pour autant, le Conseil d’État soulève que les drones sont dotés d’un zoom optique et peuvent voler en-dessous de 80 mètres, seuil qui permet de collecter des données identifiantes, sachant, qui plus est, que les drones ne sont dotés d’aucun dispositif permettant de s’assurer que les informations collectées ne peuvent pas conduire à identifier des personnes filmées.
 
« Le dispositif litigieux constitue un traitement de données à caractère personnel », pour le juge des référés. Et il doit respecter les conditions de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.
 

Une cessation immédiate
Le Conseil d’État a donc jugé que « compte tenu des risques d’un usage contraire aux règles de protection des données personnelles qu’elle comporte, la mise en œuvre, pour le compte de l’État, de ce traitement de données à caractère personnel sans l’intervention préalable d’un texte réglementaire en autorisant la création et en fixant les modalités d’utilisation devant obligatoirement être respectées ainsi que les garanties dont il doit être entouré caractérise une atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de la vie privée ».
 
L’État doit donc cesser, à compter de la notification de la présente ordonnance, de procéder aux mesures de surveillance par drone tant qu’il n’aura pas remédié à l’atteinte caractérisée.
 
Deux possibilités, donc :
- l’intervention d’un texte réglementaire pris après avis de la CNIL ;
- doter les appareils utilisés de dispositifs techniques pour rendre impossible l’identification des personnes filmées.
 
 
La CNIL a de son côté précisé avoir diligenté des contrôles auprès du ministère de l’Intérieur concernant l’usage de drones dans plusieurs villes et de plusieurs communes dont les polices municipales ont elles aussi, semble-t-il, eu recours à des drones.
 
Des investigations qui portent aussi bien sur la situation actuelle que sur la période de confinement. « Les premières demandes d’information à l’initiative de la CNIL datent du 23 avril 2020 et sont en cours d’instruction, en l’attente notamment des éléments de réponse du ministère de l’Intérieur », précise la CNIL.
 
 
Source : Actualités du droit