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Procédure administrative : possibilité de moduler en appel les effets d’une annulation en première instance

Public - Droit public général
13/01/2021
Dans un arrêt rendu le 17 décembre 2020, le Conseil d’État déclare que la modulation dans le temps des effets de l’annulation d’une décision, en application de la jurisprudence Association AC ! et autres, peut être prononcée par le juge d’appel, y compris lorsqu’il confirme l’annulation d’une décision prononcée en première instance.
L’affaire concernait l’annulation d’un arrêté approuvant un plan de prévention des risques technologiques (PPRT). Une société exploitant une papeterie située à proximité d’une installation classée fabricant des explosifs et liquides inflammables contestait le PPRT de ce site industriel, au motif que l’avis favorable du commissaire enquêteur rendu à l’issue de l’enquête publique n’était pas motivé. Le tribunal administratif a annulé le PPRT, annulation confirmée en appel. Le ministre de la transition écologique et solidaire se pourvoit en cassation contre la décision d’appel.
 
Sur l’enquête publique, le Conseil d’État, dans son arrêt du 17 décembre 2020 (CE, 17 déc. 2020, n° 430592) constate que les juges d’appel avaient considéré que l’absence de motivation requise par l’article R. 123-19 du code de l’environnement entachait la procédure d’irrégularité, sans rechercher si des inexactitudes, omissions ou insuffisances dans l’enquête publique avaient pu avoir pour effet de nuire à l’information complète de la population ou si elles avaient été de nature à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative.
 
Modulation des effets de l’annulation
 
Sur l’annulation de l’arrêté confirmée en appel, la cour administrative d’appel de Marseille avait jugé « qu’il ne lui appartenait pas de décider de différer dans le temps les effets de l’annulation de l’arrêt (litigieux) au motif que cet arrêté avait été annulé par le jugement du tribunal administratif et non par son arrêt ». Les juges d’appel considéraient donc qu’ils n’avaient le choix qu’entre annuler le jugement de première instance et rejeter le pourvoi en confirmant l’annulation prononcée en première instance.
 
Le Conseil d’État considère au contraire que les pouvoirs du juge d’appel ne sont pas limités à ces deux options, et qu’il a la possibilité, en application de la jurisprudence Association AC ! et autres (CE, ass., 11 mai 2004, n° 255886), de confirmer l’annulation de l’arrêté prononcée en première instance, tout en modulant les effets de cette annulation dans le temps.
 
La Haute cour rappelle ainsi le considérant de principe de son célèbre arrêt rendu en 2004 en affirmant que si l’effet rétroactif d’une annulation risque d’emporter des conséquences manifestement excessives, le juge administratif peut, pour des raisons d’intérêt général, et après un examen de l’ensemble des moyens et en prenant en considération les intérêts en présence, déroger à l’effet rétroactif de l’annulation. En pareil cas, il doit prévoir dans sa décision que tout ou partie des effets de l’acte seront considérés comme définitifs, voire déclarer que l’annulation ne prendra effet qu’à une date ultérieure.
 
Cette faculté n’est ainsi pas réservée au juge qui prononce l’annulation de l’acte, mais peut être utilisée par le juge d’appel, même s’il confirme une annulation prononcée en première instance.
Source : Actualités du droit