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Un fonctionnaire faisant l’objet d’un harcèlement moral peut contester son changement d’affectation

Public - Droit public général
22/03/2023
Dans une décision du 8 mars 2023, le Conseil d’État rappelle qu’une modification de l’affectation d’un fonctionnaire, en principe qualifiée de mesure d’ordre intérieur, est parfois susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir. Il annonce que tel est le cas si la mesure de changement d’affectation fait partie d’une série d’agissements constitutifs d’une situation de harcèlement moral.
Une attachée principale d’administration de l’État exerçant ses fonctions au sein d’une préfecture a été affectée d’office à un nouveau poste. La fonctionnaire a alors formé un recours gracieux et s’est vu opposer un rejet implicite, puis a demandé au tribunal administratif (TA) l’annulation de la décision de changement d’affectation et de la décision implicite de rejet. Après un rejet par le TA puis en appel, l’agente se pourvoit en cassation.
 
Mesures d’ordre intérieur sauf si la mesure traduit une discrimination ou une sanction
 
Le Conseil d’État, dans un arrêt rendu le 8 mars 2023 (CE, 8 mars 2023, n° 451970, Lebon T.), rappelle que seules les décisions prises à l’égard d’agents publics qui leur font grief sont susceptibles de faire l’objet d’un recours, les autres étant regardées comme des mesures d’ordre intérieur.
 
Il indique que sont des mesures d’ordre intérieur « les mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu'ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut ou de leur contrat ou à l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n'emportent de perte de responsabilités ou de rémunération », et ajoute que de telles mesures peuvent faire l’objet d’un recours si elles traduisent une discrimination ou une sanction.  
 
La Haute cour reprend ici les termes d’un arrêt rendu en 2015 par la section du contentieux (CE, sect., 25 sept. 2015, no 372624, Lebon), dans lequel il avait annoncé que « que le recours contre de telles mesures, à moins qu'elles ne traduisent une discrimination, est irrecevable », et y ajoute la notion de sanction.
 
Un changement d’affectation peut donc faire l’objet d’un recours :
  • S’il porte atteinte aux droits et prérogatives que le fonctionnaire tient de son statut ou de son contrat
  • S’il porte d’atteinte à l’exercice des droits et libertés fondamentaux du fonctionnaire
  • S’il traduit une discrimination
  • S’il traduit une sanction.

Dans son arrêt du 8 mars 2023, le Conseil d’État se penche sur la question de savoir si un changement d’affectation peut faire l’objet d’un recours en cas de situation de harcèlement moral.
 
Situation de harcèlement moral et atteinte aux droits des fonctionnaires
 
En l’espèce, la Cour administrative d’appel (CAA) avait relevé que le changement d’affectation de la fonctionnaire n’avait entraîné aucune modification de sa situation professionnelle ni concernant la nature de ses fonctions ni concernant ses conditions de travail. De plus, elle avait noté que ce changement n’avait pas porté atteinte à la situation personnelle de l’agente et ne présentait pas le caractère d’une mesure discriminatoire et en avait déduit que la décision constituait une mesure d’ordre intérieur insusceptible de recours pour excès de pouvoir.
 
Toutefois, l’agente faisait valoir que cette affectation d’office faisait partie d’une série d’ « agissements répétés et excédant les limites de l’exercice normal du pouvoir hiérarchique qui ont eu pour effet d’altérer sa santé » et le tribunal administratif avait considéré que du fait de ces éléments, un harcèlement moral était caractérisé.
 
Le Conseil d’État considère ici que le changement d’affectation porte atteinte à un droit que les fonctionnaires tiennent de leur statut, qui est celui de ne pas être soumis à un harcèlement moral, protégé par l’article L. 133-2 du code général de la fonction publique. En l’espèce, la situation de harcèlement moral subie par la fonctionnaire exclut de regarder la mesure de changement d’affectation comme une mesure d’ordre intérieur.
 
Source : Actualités du droit