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La semaine du droit public général (côté Cour de cassation)

Public - Droit public général
10/02/2020
Présentation des dispositifs des arrêts publiés au Bulletin civil de la Cour de cassation, en droit public général, la semaine du 3 février 2020.
Décision administrative – atteinte au droit de propriété
« Selon les arrêts attaqués (Amiens, 15 janvier et 5 février 2019), Monsieur et Madame X sont propriétaires, sur le territoire de la commune de Sailly-Laurette (la commune), d’une parcelle qui était clôturée par une haie végétale d’une longueur de trente-sept mètres, située en bordure d’une route départementale. Après les avoir informés que des véhicules avaient été endommagés du fait de la présence de cette haie, la commune a fait procéder, le 5 juillet 2014, à son arrachage sur toute sa longueur.
Soutenant n’avoir donné leur accord que pour un arrachage sur une longueur de quinze mètres, et sous réserve d’une participation financière de la commune à l’achat des matériaux nécessaires à la construction d’un mur, Monsieur et Madame X ont obtenu en référé la désignation d’un expert, puis, invoquant l’existence d’une voie de fait ou d’une emprise irrégulière, ont saisi la juridiction judiciaire aux fins de réparation de leurs préjudices. La commune a soulevé une exception d’incompétence au profit de la juridiction administrative
(…) Vu la loi des 16-24 août 1790 et l’article 544 du Code civil :
Dans le cas d’une décision administrative portant atteinte à la propriété privée, le juge administratif, compétent pour statuer sur le recours en annulation d’une telle décision et, le cas échéant, pour adresser des injonctions à l’administration, l’est également pour connaître de conclusions tendant à la réparation des conséquences dommageables de cette décision administrative, hormis le cas où elle aurait pour effet l’extinction du droit de propriété.
Pour statuer comme il a été dit, l’arrêt retient, par motifs adoptés, que, si elle constitue une atteinte au droit de propriété de Monsieur et Madame X, l’intervention de la commune n’a pas eu pour effet d’éteindre ce droit.
En statuant ainsi, alors que, selon ses propres constatations, la commune avait procédé à l’arrachage de la haie, constituée d’arbres, sur toute sa longueur, et causé ainsi l’extinction du droit de propriété de Monsieur et Madame X sur ces végétaux, la cour d’appel a violé les textes susvisés »
Cass. 1re civ., 5 fev. 2020, n° 19-11.864, P+B+I*

 Compétence – droit d’eau fondé en titre
« Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 11 décembre 2018) et les productions, Monsieur X (l'exploitant), exploitant agricole, est propriétaire de parcelles à Châteaudouble situées à proximité du canal de la Martinette alimenté notamment par la rivière Lierne. Il est membre d'une association syndicale autorisée (ASA) ayant pour objet la gestion de ces eaux. Au cours de l'année 2013, le Syndicat d'irrigation départemental drômois (le syndicat) a procédé à des sondages dans l'une de ces parcelles, sur laquelle se trouve une prise d'eau reliée au canal, destinée à l'irrigation pour les besoins de l'exploitation agricole.
(…) Vu l'article 35 du décret no 2015-233 du 27 février 2015 relatif au Tribunal des conflits et aux questions préjudicielles :
Lorsque la Cour de cassation est saisie d'un litige qui présente à juger, soit sur l'action introduite, soit sur une exception, une question de compétence soulevant une difficulté sérieuse et mettant en jeu la séparation des ordres de juridiction, elle peut renvoyer au Tribunal des conflits le soin de décider sur cette question de compétence. L'instance est suspendue jusqu'à la décision de ce Tribunal.
Le litige présente à juger une question de compétence soulevant une difficulté sérieuse, dès lors que l'action en cause porte sur la reconnaissance d'un droit d'eau fondé en titre. Les recours contre les décisions prises par l'administration modifiant ou abrogeant un droit fondé en titre relèvent de la compétence de la juridiction administrative (CE, 1er février 1855, Compagnie du canal de jonction de la Sambre à l'Oise c/ Pruvost et consorts, rec.p. 100 ; CE, 9 mars 1928, Suderies, rec. p. 34 ; CE, 5 décembre 1947, SieurMounier, rec. p. 457). La présente action est dirigée contre l'administration et vise à la reconnaissance par celle-ci de l'existence d'un tel droit. Il n'est allégué aucune voie de fait et l'action a un lien étroit avec la police de l'eau et le service public de l'eau. Mais un droit d'eau fondé en titre pourrait être qualifié de droit réel immobilier (Civ.,17 novembre 1953, Bahier et Bodin c/EDF, JCP G 1953, IV, p. 182 ; 3e Civ., 10 juin 1981, pourvoi no 80-10.428,Bull. 1981, III, no 116 ; 3e Civ., 6 février 1985, pourvoi no 83-70.248,Bull. 1985, III, no 24). L'action, qui porte sur l'existence d'un tel droit attaché à une parcelle appartenant à l'exploitant pourrait, de ce fait, ressortir au juge, judiciaire. Il y a lieu, en conséquence, de renvoyer au Tribunal des conflits le soin de décider sur cette question de compétence, en application de l'article 35 du décret susvisé
»
Cass. 1re civ., 5 fev. 2020, n° 19-12.751, P+B+I*

*Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 10 mars 2020
 
Source : Actualités du droit